Estime de soi

Mécanismes

Avoir de l'estime de soi n'est pas une démarche qui est toujours allée de soi. Autrefois, on parlait plutôt de vanité, arrogance, fatuité, narcissisme. S'estimer, c'était connoté d'un point de vue moral, et un peu tabou. Cependant, on note quand même quelques exceptions comme Montaigne qui déjà à son époque écrivait “l'amitié que chacun se doit”. Parler d'amour de soi aurait été un sacrilège.

Autre synonyme erroné de l'estime de soi : l'orgueil. Or, l'orgueil signifie à l'origine : “Terme de construction. Cale de bois, de pierre, ou de toute autre matière dure, qui fait dresser la tête d'un levier employé à soulever un corps quelconque et en soutient l'effort”. C'est le point d'appui qui sert de pivot au levier. Par conséquent, l'orgueil est nécessaire pour se réaliser, à condition d'être bien placé. Ce n'est pas tant l'orgueil qui pose problème, mais l'orgueil mal placé.

Si l'estime de soi est trop haute, on peut alors parler de narcissisme. Si elle est trop basse, deux cas de figures :

  • la personne se rabaisse ;
  • la personne surcompense pour se revaloriser aux yeux de personnes impressionables et ainsi, crée une sorte de boucle rétroactive où l'image (feinte) qu'elle renvoit aux autres lui est renvoyée par eux. Elle s'auto-persuade ainsi de sa haute estime. On parle alors d'estime haute instable, car entièrement dépendante de l'autre.

Quel soi estimons-nous ?

  • Le soi idéalisé : ce qu'on pense devoir être pour être en paix avec soi (souvent un idéal trop haut, inaccessible, rigide, tyrannique par son exigence).
  • Le soi réel : qui on est réellement ;
  • Le soi perçu : ce qu'on pense être (on pense souvent être moins bien que ce que l'on est) ;

Le narcissique a souvent un soi perçu au dessus du soi réel. Il se croit meilleur que ce qu'il est. Alors que celui qui souffre d'une faible estime de soi est souvent, en réalité, entre le soi idéalisé et le soi perçu. Il se voit beaucoup moins bien que ce qu'il est. Chez le surdoué, l'estime de soi est souvent faible. Il a une grande capacité d'autocritique et sait se juger cruellement, d'où une différence beaucoup trop grande entre le soi idéalisé et le soi perçu. Plus l'écart entre soi idéalisé et soi perçu est grand, plus la souffrance est grande.

Le soi idéalisé est une empreinte qui vient de l'extérieur, très tôt, dans l'enfance. Par la suite, l'adulte croit que c'est lui qui exige ça de lui-même. Les influents culturels sont les parents, les enseignants, la télévision, la publicité, les bandes dessinées … Les parents doivent veiller à ne pas dire aux enfants qu'ils sont nuls s'ils n'ont pas un comportement ou des notes idéales, et ne pas chercher à réussir par procuration en faisant de leur enfant une bête de foire. A contrario, si un enfant “se la pète”, et vu qu'il apprend par mimétisme, le parent doit avoir fait le tri entre ce qui est bien et ce qui n'est pas bien chez lui, le parent, pour avoir une vision juste de lui-même.

Dans certains cas, la demande qui vient de l'extérieur est une demande de normalité, de comportement conforme à la moyenne de la population. Dans ce cas, le surdoué peut avoir un choix en tout ou rien : l'intellectualisation, pour vivre pleinement sa douance, ou l'inhibition intellectuelle, pour avoir l'air / devenir normal. L'inhibition intellectuelle est bien paradoxale, d'un côté système de défense à visée anti-dépressive, de l'autre véritable processus dépressiogène. S'inhiber, en effet, c'est développer un sentiment de frustration mettant en cause le narcissisme, l'image de soi. Ne pas s'inhiber, c'est se désolidariser de son environnement et développer un sentiment de culpabilité.1)

Démarche personnelle ou thérapeutique : assouplir, humaniser l'exigence de soi, pour ne plus se garder un soi idéalisé rigide et tyrannique ; et ré-aligner le soi perçu sur le moi réel (justesse de la perception).

Il est possible de se filmer en situation (par exemple lors d'une présentation professionnelle) puis de revisionner la scène pour se rendre compte du fait que l'on se juge trop durement (ou pas).

Une bonne estime de soi se reconnait à différents critères auxquels il faut veiller :

  • hauteur de l'estime que l'on a pour soi
  • polyvalence de ses qualités : ne pas surinvestir le domaine dans lequel on se sent le meilleur au détriment des autres. Devenir un expert dans un domaine au détriment de la polyvalence fragilise, car on ne peut pas tirer éternellement d'estime d'un seul savoir-faire, d'une seule qualité, aussi fort soit-on dans ce domaine.
  • autonomie : savoir s'attribuer de la reconnaissance pour ce que l'on fait, savoir être satisfait soi-même de son travail et ne pas toujours attendre la reconnaissance des autres
  • économie : dans le cas où j'ai besoin de la reconnaissance des autres, combien je dépense d'énergie, et pour recevoir combien d'estime en retour ? est ce que je donne beaucoup pour des miettes de reconnaissance ? est-ce un effort raisonnablement récompensé ?
  • stabilité : toute estime de soi est fluctuante, mais pour certains, elle flirte avec des phases maniaco-dépressives (périodes avec sentiment de toute puissance suivies de périodes de faible estime de soi).

Le besoin de reconnaissance par les autres peut se décliner sous deux formes :

  • recherche de conformité : reconnaissez moi, je suis comme vous ;
  • recherche de distinction : reconnaissez moi, je suis différent/mieux que vous. Cette stratégie est moins facile à pratiquer, et peut se traduire par des conflits avec les parents, les enseignants, la police …

Le besoin de reconnaissance par les autres devient “pathologique” quand la reconnaissance positive de soi par soi même est entravée et qu'on cherche à l'obtenir par les autres (on fait une demande de reconnaissance à l'autre en essayant d'être une bonne maman, un bon conférencier, un amant exemplaire …). Si pour une raison ou une autre, on n'a pas accès à la reconnaissance par les autres, on se referme sur soi-même et on met en place des comportements compulsifs, addictifs (achats compulsifs, chocolat, drogues, anxiolytiques …). A nouveau, si pour une raison ou une autre ces compulsions et ou addictions sont empêchées, on peut se retrouver dans une impasse.

Par conséquent, tout commence par la reconnaissance positive de soi-même par soi-même.

Cas particulier de la susceptibilité :

  • réaction perceptible : la vexation
  • besoins sous-jacents : reconnaissance, estime de soi par les autres
  • blocage ou difficulté : incapacité ou difficulté à s'aimer soi-même

Relation entre le perfectionnisme et la théorie de la désintégration positive de Dabrowski

Illustration du sujet

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Mots clés

Notes et références

1) Le complexe de l'albatros : L'inhibition intellectuelle chez l'enfant intellectuellement précoce. Docteur Alain GAUVRIT, 2001
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